La grande majorité des conseils et techniques dispensés à longueur de tutos en matière de séduction, invitent à susciter l’intérêt de l’autre, à éveiller sa curiosité, son « appétit ». Ou en d’autres termes, à activer son instinct du chasseur, devenu désormais un consommateur. Lequel ne saurait laisser une bonne occasion partir dans le panier d’un autre.
Pour les personnes à Haut Potentiel Intellectuel et Emotionnel, la séduction ne fonctionne pas ainsi. L’intérêt étant prééminent, soit il est là, évident, naturel, spontané soit il n’est pas. Mais en aucun cas il ne se créé ou se fabrique artificiellement.
C’est une des raisons qui font que les HPI ont beaucoup de mal avec la séduction et/ou avec la phase de rencontre. Cette période où chacun fait la roue du paon afin de se présenter sous ses meilleurs auspices, ne correspond pas à leur être profond. Modeler son image, il/elle sait le faire. Ca s’appelle un faux self, un persona, et ça fait plus ou moins longtemps qu’il/elle souffre de porter ce masque. Devoir s’y soumettre encore dans le moment de la rencontre, que l’on souhaite sincère et vraie, est souvent douloureux. Ajouté au manque de confiance en soi ou à un profil introverti cela s’approche de la torture. Soit la connexion sensible existe (auquel cas la personne HPI souhaite que les choses se déroulent de la manière la plus fluide possible), soit le lien doit être fabriqué, tissé, construit, et cela s’apparente à du labeur. Or la rencontre ne peut être laborieuse parce-que ce qu’un.e HPI souhaite le plus au monde dans une rencontre amoureuse, c’est faire l’expérience de l’évidence.
Hypersensibilité et séduction
Les tentatives de séduction codifiées ou apparentée à de la manipulation hérissent le poil des HPI. Et le fameux « suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis » est très souvent à l’opposé de leur fonctionnement naturel. Au pire il est anxiogène, au mieux il est ridicule.
Déjà, parler à un.e inconnu.e quand on maîtrise mal les implicites sociaux ou les codes habituels et évidents pour les autres est difficile. Ensuite badiner, parler météo, boulot, enfants ou loisirs n’intéresse pas les HPI. Très vite ils se demandent à quel moment la conversation va enfin s’orienter vers un vrai sujet. Aussi, dans la rencontre, le meilleur atout d’un.e sourdoué.e est son empathie et sa sensibilité. Car ce sont elles qui vont permettre de sonder l’autre, de deviner ce qui n’est pas dit, de percevoir ce qui essaie de demeurer caché, d’entrer en connexion avec l’autre.
Pour autant, c’est cette même sensibilité extrême qui peut présenter quelques inconvénients.
Car l’Autre, s’il/elle n’est pas hypersensible, ne saura pas ce qui se joue en dehors de lui ou d’elle. L’Autre a en face de lui/elle, quelqu’un qui est dans une écoute franche et totale, qui pose des questions et parle peu de soi. Pendant toute ce temps la personne HPI a ses propres attentes, qu’elle n’exprimera pas la plupart du temps : qui es-tu vraiment au fond de toi ? Quelle a été ton enfance ? Que penses-tu de la guerre en Ukraine ? Et du changement climatique ? Quand vas-tu me poser une question et t’intéresser sincèrement à moi ? Peux-tu aimer qui je suis ?
Quand son interlocuteur ravi de cette attention en profite pour s’épancher, tout en jugeant du physique de l’autre, la personne HPI se laisse plutôt traverser par ses sensations. Tout un arsenal souvent inconscient de sondes est à l’œuvre : les perceptions sensorielles. Olfactives notamment (j’aime ou je n’aime pas ton odeur), puis le son de la voix, la place laissée aux silences, ce que dégage l’autre de confiance en soi ou de sensibilité. Le genre pouvant être tout à fait secondaire.
La personne HPI est souvent pudique. Elle manque parfois de confiance en elle et est la plupart du temps assez complexée. En effet, si elle a été peu ou mal accompagnée, étayée, comprise dans son enfance, elle a développé une mauvaise image d’elle-même. Elle se sent très souvent éloignée des stéréotypes qui pèsent sur son genre et souffre de n’avoir pas eu de modèle auquel s’identifier pour se construire. Si elle est un homme, elle vit relativement mal son hypersensibilité qu’elle juge mal accordée aux standards prédominants de la virilité. Si elle est une femme, elle se sent parfois étrangère aux injonctions socio-culturelles qui pèsent sur son sexe : être douce, réservée, patiente, féminine voire sexy et en posture de soumission.
Ce qu’attend la personne à HPI de cette situation dite de séduction, ce n’est pas de séduire ou d’être séduite comme on remporte un combat. Elle attend une situation d’égalité et de l’écoute. Elle attend un échange sincère et authentique. Elle attend le point de rencontre. Celui où elle sent que, en toute sécurité, elle peut être vraiment elle-même et être appréciée pour cela. Sans se retrouver dans la posture du sauveur.
Déterminismes de genre, hypersensibilité et séduction
Parlons d’abord des hommes.
Dans de nombreux pays, mais en France particulièrement, la sensibilité est très difficile à assumer pour un homme car elle est interprétée comme une faiblesse. Notre société projette sur l’homme en devenir qu’est le jeune garçon, des valeurs comme la force, la compétition et le pouvoir. Celui-ci est d’ailleurs plus ou moins élevé à la dure. Un garçon ne pleure pas, ne se plaint pas. La colère est socialement légitimée mais pas la sensibilité. Le jeune jeune garçon fait souvent les frais d’une pédagogie familiale et sociétale brutale à son égard, qui l’amènent à reproduire des comportements attendus. Pour séduire une femme on doit donc être un homme, un vrai. Ce qui signifie être dur, fort, séducteur, impavide et sûr de soi. En un mot on doit être viril ! Cet idéal de l’homme viril est aliénant. Et faux. C’est une injonction sociale qui n’a rien à voir avec la biologie du genre. Comme l’écrit Olivia Gazalé dans son excellent ouvrage Le mythe de la virilité, un piège pour les deux sexes : « naître homme est un fait biologique, devenir viril une construction sociale. La virilité désigne un idéal normatif, celui de l’excellence masculine. Si tout porteur d’un sexe masculin est un homme, tout homme n’est pas viril : seuls les meilleurs d’entre eux méritent ce qualificatif, aussi difficile à conquérir qu’à conserver ».
Dans un tel contexte socio-culturel, toute forme de sensibilité est interdite à l’homme. Car sensibilité est injustement et stupidement confondue avec sensiblerie et conduit à la honte, voire au déshonneur. Un homme ne peut être sensible et crédible à la fois.
Et si cet homme a grandi auprès d’un modèle paternel castrateur et/ou d’une mère faible et soumise, le déterminisme n’en est que plus fort.
Or la masculinité ne dépend pas de la virilité.
La séduction ne découle pas de la virilité.
La sensibilité ne détruit ni la masculinité ni le pouvoir de séduction, quelle que soit son orientation sexuelle.
Pour les femmes, c’est dans la séduction hétérosexuelle que les stéréotypes sont le plus à l’œuvre. En effet, ce petit être naturellement fragile et sensible qu’est la femme, ne saurait être attiré que par cet idéal masculin de virilité exacerbée. Ce peut être le cas. La diversité existe au sein de la population HPI comme en celui de la population générale. Néanmoins, chez la femme HPI, certains facteurs allant de la génétique au culturel vont venir compenser le poids des stéréotypes. Je ne vais pas ici développer les caractéristiques de la femme HPI (voir ici). Mais le fait d’être HPI offre à la femme un contrepoids majeur aux déterminismes sociaux-culturels. Je me place ici toujours dans la relation hétérosexuelle car c’est là que peuvent se jouer à leur maximum les stéréotypes classiques de genre.
La femme HPI, qu’elle soit hypersensible ou non, a fait depuis toujours l’expérience du décalage, de la différence. Plus que les autres femmes elle a combattu le poids des déterminismes qui pèsent sur son sexe, car en général, elle ne s’y retrouve pas. Bien entendu chacune est unique (comme l’est chacun) et possède sa propre personnalité, est porteuse de son histoire familiale, et expérimente une phase de vie particulière. Tout cela va modeler ses attentes. Néanmoins, n’oublions pas que dans la relation de séduction, elle souffre d’un inconvénient majeur : son intelligence, qui agit comme un repoussoir absolu auprès de certains hommes et suscite la crainte ou, a minima, l’interrogation des autres. Encore une fois tout ceci fait partie de l’inconscient collectif et je ne crois pas qu’aucun homme intelligent (HPI ou pas) lisant ces lignes ne reconnaîtra cet état de fait. Et c’est tant mieux. Pourtant les études et statistiques le démontrent (cf Monique de Kermadec : La femme surdouée, double différence, double défi). C’est pourquoi la femme HPI sera moins conditionnée par les injonctions sociétales et plus sensible à son ressenti qu’à l’image que l’homme lui renvoie. Elle décèlera plus rapidement le jeu de dupes que peut être la manœuvre de séduction. Et elle y sera beaucoup moins sensible qu’à la sincérité et à l’authenticité qui se dégagent de l’autre. Les mêmes mécanismes d’évaluation de l’autre que chez les hommes HPI seront à l’œuvre : analyse de son intelligence, de son humour, de ses valeurs etc. Cependant, même si elle n’est pas sapiosexuelle, pour la femme HPI le physique sera moins déterminant que la qualité du lien en train de s’établir. Souvent autonome et indépendante, que ce soit par choix ou par obligation, elle n’attend pas de l’homme qu’il se conduise en mâle dominant capable de la protéger et de prendre les décisions importantes à sa place. Tout comme lui elle attend d’être reconnue pour ce qu’elle est fondamentalement : un être unique et complet.
Bien que les attentes et les désirs soient individuels, les mécanismes du déterminisme pèsent sur l’ensemble de cette population HPI, hommes et femmes.
Aussi l’hypersensibilité présente-t-elle plus d’avantages que d’inconvénients dans la relation de séduction. Car c’est ce que vous percevrez, ressentirez, sentirez et expérimenterez, que ce soit intellectuellement ou sensoriellement, qui influencera le phénomène d’attraction/répulsion. Au final votre sensibilité est votre instrument de mesure émotionnel. Touché.e ou pas touché.e ? La suite vous appartient.